Die Zauberflöte. Wolfgang Amadeus Mozart.
Oper.
Peter Maag. Stadttheater Bern.
Radio Suisse Romande, Espace 2, Musimag, mi-octobre 1986.
Eva Lind comme Reine de la Nuit
(Musik)
Oui, elle a eu de la peine, avec ce fa diabolique, malgré qu'elle est une star depuis un an, depuis qu'elle a chanté "Lucia di Lammermoor" au théâtre de Bâle. Là, elle était gâtée. Quand elle apparaissait sur scène, les applaudissements éclataient; à la fin de la représentation, une foule d'admirateurs l'attendait à la sortie du théâtre, pour attraper un mot d'elle, ou même un autogramme; quand enfin elle entrait dans son bistrot italien pour y manger ses spaghettis, des applaudissements chaleureux lui rendaient la bienvenue. Pour Bâle, elle était la Callas des années 80, et le public faisait la queue toute la nuit pour pouvoir l'entendre. Pour pouvoir jouir de la beauté de son soprano léger qui chantait l'air de la folie avec tant de beauté et de précision qu'on oubliait que c'était un être humain qui se produisait sur scène, et on croyait entendre un petit oiseau aux grand yeux noirs. – Avant d'avoir vingt ans, Eva Lind était devenue une diva.
Cependant, toutes les choses ont deux faces, et un telle notoriété a ses problèmes. Cette vérité banale s'est avérée à Berne, cette lourde Berne, qui a découvert – il faut le dire – qui a découvert Eva Lind avant Bâle et qui l'a engagée tant qu'elle pouvait la payer. Engagée pour "La Flûte enchantée" que tout le monde va voir à cause de la Lind, bien entendu; elle chante la Reine de la Nuit. Et elle cause des problèmes. Aux bernois qui se battent pour une place, et elle pose des problèmes aux dames derrière les guichets qui sont assiégées. Car Eva Lind ne chante que cinq sur sept représentations. Alors les gens qui n'ont pas le bon billet réclament et veulent le changer contre un autre. Et les admirateurs de Bâle viennent demander vingt, voire cent billets en une fois.
Et Eva Lind, comment assume-t-elle sa notoriété? Comment chante-t-elle, depuis qu'elle doit prouver qu'elle vaut son prix? A la première de "La Flûte enchantée", cela l'a crispée. En montant sur scène, elle était nerveuse, elle a essayé de l'oublier, et cela l'a crispé d'avantage, de manière qu'elle a eu de la peine avec les notes aigues. Et c'est quand-même réconfortant de voir que même les stars restent des hommes et qu'ils ne sont pas de simples ordinateurs.
Les admirateurs d'Eva Lind au 2e et 3e rang ne se sont pas laissé troubler. Ils ont applaudi avec un engagement imperturbable. Vous pouvez considérer cela, si vous voulez, comme côté positif du vedettariat. Le côté négatif consiste dans le fait que ces mêmes admirateurs ne se sont pas rendus compte de la qualité musicale des autres chanteurs, notamment de Papageno, de Tamino et des trois dames. Là, ils n'ont pas remué les mains. Décidément, l'amour les a rendus sourds. Mais nous, nous allons encore rendre hommage à l'orchestre symphonique de Berne avec son chef Peter Maag qui a accompagné les chanteurs, vedettes ou pas, avec tant de précision, de beauté et d'instinct.
(Musik)